Dimanche 17 octobre (17 octobre 1875)

Cosima Wagner Journaux

Retour avec Siegfried qui a conquis tous les cœurs. Pour l’amusement, lecture de Der Prinzenraub [1] de Triller, très distrayant, ainsi qu’un cahier de la « deutsche » Rundschau [2]. — À 1 heure, je retrouve R. ! Il me raconte qu’il a rêvé cette nuit que nous étions ensemble dans un bal public, mon cavalier se permettait un geste inconvenant, j’étais consternée et pâle, puis il demandait comme convenu une seconde danse en se moquant de R. qui lui donnait un coup de pied qui fit que mon couvre-pied s’envola et que R. se réveilla. 

Le soir, nous jouons le quatuor en la mineur de Beethoven et le premier mouvement de la fantaisie préférée de R. Je trouve à mon retour une lettre de Mimi, cette merveilleuse amie va essayer d’obtenir 25 000 florins sur les fonds du Reich. — R. est ravi de l’attitude de Feustel qui a désormais compris, dit-il, qu’il faut aller de l’avant. — « Je crois qu’une fois cette affaire terminée, j’aurai beaucoup vieilli », dit R. — 

Mauvaise situation en Bavière, le Roi est de plus en plus invisible ; il ne fréquente plus, dit-on, que son valet d’écurie qui serait d’ailleurs un garçon estimable et intelligent, mais le Roi le renvoie dès qu’il essaie de parler de quelque chose de sérieux, par exemple de l’opinion publique en Bavière. Qu’il soit devenu aujourd’hui inapprochable sert pourtant le Roi; les incidents à la Chambre par exemple où un membre du parti ultramontain a dit les choses les plus inconvenantes sur le Roi sous le prétexte qu’elles avaient été publiées dans un journal libéral, ces incidents sont d’une nature telle qu’aucun roi ne pourrait en prendre son parti; — les libéraux ont renoncé, le ministère demande sa démission. R. me dit qu’à la mort du Roi, il avait souhaité que la Bavière soit divisée selon le bon plaisir de Napoléon, que la Bavière rhénane soit attribuée au pays de Bade, la Franconie au Würtemberg et que les « messieurs noirs » ne gardent plus que l’ancienne Bavière. — On apprend avec étonnement la nouvelle des fiançailles de la princesse Marie de Saxe-Weimar avec le prince Reuss, ambassadeur d’Allemagne à Pétersbourg [3].


[1] L’Enlèvement d’un Prince en Saxe», comédie de Daniel Wilhelm Triller (1695-1782).

[2] La Deutsche Rundschau fut fondée en 1874; collaboraient à cette époque à cette revue littéraire et scientifique entre autres Moltke, Th. Storm, Berthold Auerbach, Anastasias Grün. Les guillemets semblent impliquer de la part de Cosima de l’ironie quant au caractère « allemand » de la revue.

[3] Henri VII, Prinz Reuss (1825-1906) de la branche collatérale Reuss-Schleitz-Köstrits, officier, diplo-mate, ambassadeur de Prusse à Munich en 1864, à Saint-Pétersbourg en 1867, ambassadeur d’Allemagne de 1878 à 1894 à Vienne; en 1876 membre de la Chambre Haute de Prusse.


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